Peut-être que la répétition incessante des sondages — trop — rapidement transformés en verdict électoral avait préparé à ce tournant historique et en avait estompé la gravité. Car désormais on est face au réel : les Fratelli d’Italia ont triomphé lors de ces élections. Pour la première fois, une formation (post) fasciste[1] va diriger la République italienne dont la Constitution est par essence « démocratique et antifasciste ». Certes on épiloguera longtemps sur la nature exacte des Fratelli, mais sa dirigeante victorieuse affirme haut et clair sa filiation politique avec le fascisme même si elle complète toujours ses propos par des déclarations d’intention démocratiques et qu’elle affirme tout aussi catégoriquement sa vocation atlantiste.
Vus de plus près, les résultats du parti de Giorgia Meloni sont impressionnants. Les 26 % qu’elle recueille (elle en avait 4,35 en 2018) se répartissent nationalement. Et elle a pris des voix à droite comme au centre gauche. Dans les bastions de la Lega au Nord Est (Vénétie, Trentin), elle prive Salvini de la moitié de son électorat. Encore plus spectaculaire, les Fratelli d’Italia sont désormais le premier parti dans tous les bastions des anciennes régions rouges du centre de l’Italie (Toscane, Émilie Romagne, Ombrie) où triomphait jadis le PCI et où le PD avait réussi à maintenir vaille que vaille ses places fortes.
Dans le Nord, dans la banlieue milanaise, à San Sesto Giovanni, ancienne forteresse ouvrière baptisée, en son temps, le Stalingrad italien, c’est la candidate des Fratelli qui l’emporte[2]. Et ce n’est pas n’importe qu’elle candidate, Meloni y a envoyé Isabella Rauti, fille de Pino Rauti, fondateur de la République de Salo, ex-secrétaire général du MSI et surtout d’Ordine Nuovo, groupe mêlé aux attentats de l’extrême droite durant les années de la « stratégie de la tension ».
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