États-Unis : l’automne de tous les dangers

Il est assez sidérant de lire ce que la presse française et européenne dans sa grande majorité colporte sur la situation politique aux États-Unis en cette rentrée 2022.

Convaincus que la suppression du droit fédéral à l’avortement, la baisse du prix de l’essence et plusieurs avancées législatives vont mobiliser les électeurs en faveur des démocrates lors des élections de novembre, certains observateurs en sont arrivés à annoncer la fin du trumpisme et le reflux de la révolution ultra conservatrice débutée à la fin des années quatre-vingt-dix. Rien que ça !

Ces observateurs feraient bien de quitter les think tanks, campus et autres quartiers progressistes des grandes villes américaines et de s’immerger réellement pendant plusieurs mois dans la réalité étasunienne. Celle d’une Amérique crépusculaire, ravagée par des décennies de néo-libéralisme et peinant à se remettre des dégâts de la pandémie de Covid-19. Une Amérique, ainsi que je l’ai déjà développé dans ces colonnes, de plus en plus fragilisée par les séparatismes politiques, ethniques, culturels et religieux, et où les volontés de fractionnisme, voire même de sécession, de la part de certains territoires et États sont de plus en plus prises au sérieux.

Aujourd’hui, le credo américain – adhésion à un système politique fondé sur la dignité essentielle de l’individu, égalité fondamentale de tous les hommes, droit à la propriété – qui a si longtemps fédéré autour de la bannière étoilée les différentes communautés, ne signifie plus grand-chose et ne parle plus à grand monde. Dans un pays en crise depuis plusieurs décennies, où l’inégalité atteint des sommets, où les violences policières font partie du quotidien et où la démocratie se fragilise d’année en année, il n’est plus vraiment question de la dignité essentielle de l’individu ni de l’égalité fondamentale de tous les hommes. Quant à l’ascenseur social, il est en panne depuis les années 70.

Les correspondants de la presse étrangère gagneraient donc à tenter de se plonger dans le quotidien des trois cent trente millions d’Américains dont ils prétendent  prendre le pouls : l’enfer du credit score et le rapport obsessionnel à l’argent qui empoisonne tout ; les boulots de dix heures ou plus par jour sous-payés ; le droit du travail quasi inexistant et inconnu des couches populaires ; la santé et le renoncement de dizaines de millions de personnes à se soigner ; la mal bouffe et le fléau de l’obésité (près de 40% de la population) ; les difficultés à se loger même pour les classes moyennes ; la déliquescence dramatique du système de l’éducation au niveau local et national ; les infrastructures publiques en ruines… Sans oublier bien évidemment la violence au quotidien, la corruption et un paupérisme grandissant – malgré un PIB par habitant colossal – 20% de la population croupissent dans la pauvreté.

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