L’idée de dépolitiser la monnaie est au cœur du monétarisme et donc du néolibéralisme. Il n’y a rien de nouveau : Milton Friedman et Friedrich Hayek disaient déjà plus ou moins cela. Mais l’idéologie du Bitcoin va plus loin encore en refusant l’existence même de l’Etat. C’est une forme d’ultra-libéralisme, une version libertarienne de la monnaie. Le côté innovation est souvent mis en avant. Mais sous couvert de blockchain et de technologie, il y a de très vieilles idées derrière. Et si nous creusons encore, nous revenons au système de l’étalon-or et au 19e siècle.
Outre l’aspect technologique, qui lui est effectivement nouveau, c’est le produit d’une idéologie très ancienne. L’idée derrière est le fait de naturaliser la monnaie en refusant que nous puissions la gérer collectivement et politiquement. C’est une vision de l’économie où celle-ci s’imposerait aux sociétés et serait une forme de production naturelle, avec des lois naturelles.
Or, le marché et la monnaie sont des créations institutionnelles, de l’Etat, ce qui a été historiquement démontré, notamment par l’anthropologue David Graeber. Il est donc tout à fait légitime de gérer la monnaie politiquement. Nous sommes là sur un vieux débat : la monnaie doit-elle ou non être extérieure à la société?
Capital : Les libertariens veulent dépolitiser la monnaie. Mais que cela implique-t-il?
David Cayla : Les ultra-libéraux et libertariens veulent revenir au système de l’étalon-or. Le Bitcoin est fondé sur cette représentation, avec l’idée qu’on mine du Bitcoin comme on minait de l’or. Il existe une quantité fixe disponible (le nombre de bitcoins en circulation ne doit pas dépasser 21 millions d’unités, NDLR). L’idée est que l’offre et la demande vont déterminer la valeur de la monnaie, et certainement pas le gouvernement.
La suite ici : « L’idéologie du Bitcoin refuse l’existence même de l’Etat », selon l’économiste David Cayla