Alors que la centrale est passée sous contrôle russe le 4 mars, quelques jours après le début de l’invasion de l’Ukraine lancée le 24 février, quels sont les réels risques d’une catastrophe nucléaire ? Réponse avec Leon Cizelj, président de la Société nucléaire européenne et spécialiste slovène de la sûreté des installations nucléaires.
Tout d’abord, il faut rappeler que l’armée russe contrôle le site de Zaporijia depuis le 4 mars. Les opérateurs ukrainiens y travaillent, mais ils rendent compte aux militaires russes. Donc, en termes simples, les Russes peuvent faire ce qu’ils veulent avec cette usine depuis le 4 mars, même sans bombardements.
Ensuite, en ce qui concerne les tirs d’obus occasionnels près de la centrale de Zaporijia depuis le début du mois de mars, je pense qu’il s’agit davantage d’une stratégie de manipulation de la part de la Russie, qui joue avec la peur des Européens qui pensent que l’énergie nucléaire est dangereuse et crée des risques, même en dehors du contexte de la guerre. Ils jouent sur cette peur en suggérant que quelque chose de mauvais et de conséquent pour la santé des Européens pourrait arriver à la centrale, ce qui est peu probable.
Si une attaque contre les sites des stockage du combustible avait lieu, quelle distance pourraient parcourir les matières radioactives libérées ?
Si nous prenons le pire scénario imaginable, à savoir la perte de l’eau [nécessaire au refroidissement des réacteurs nucléaires, nldr] et par conséquent le réchauffement du combustible usé, la contamination resterait localisée. J’entends par là que la propagation des radiations se limiterait principalement au site de la centrale nucléaire de Zaporijia, les militaires russes sur place étant en première ligne dans ce cas. Mais si un tel scénario devait se réaliser, les Russes pourraient toujours se protéger des radiations en se rendant dans des abris ou en quittant la zone.
Les radiations pourraient se propager beaucoup plus loin si un ou plusieurs des réacteurs étaient davantage endommagés et s’il y avait une fusion des réacteurs. Les Russes pourraient provoquer une telle chose sans bombarder la centrale, d’ailleurs. Si les réacteurs sont endommagés, les distances touchées seraient probablement plus courtes que pour l’accident de Fukushima, qui est d’environ 20 à 30 kilomètres, et certainement plus courtes que pour Tchernobyl, où les radiations graves ont été contenues dans une zone de moins de 50 à 60 kilomètres.
La suite ici : Centrale de Zaporijia: « Les risques d’irradiation sont très faibles »