Raconter la guerre, écrire la paix, une conversation avec Ariane Chemin, Andreï Kourkov et Jean-Pierre Perrin 

Pour Ariane Chemin, « la guerre, ce sont d’abord des images ». C’est ensuite, seulement, qu’elle prend forme dans les textes, les reportages d’Ariane Chemin ou de Jean-Pierre Perrin, les romans de l’immense écrivain ukrainien Andreï Kourkov. Au centre des échanges entre les trois voix qui prennent position ici pèse une question centrale, qui réconcilie la fiction et le journalisme : raconter l’indicible.

« En arrivant à la frontière ukraino-polonaise, j’ai d’abord vu des images : des familles entières qui partaient avec des valises, des petits baluchons et leurs animaux de compagnie. Je me suis demandée ce avec quoi je serais partie si j’avais été dans la même situation. Certains Ukrainiens aujourd’hui réfugiés dans des pays voisins conservent encore dans leur chambre un petit sac prêt en cas de départ précipité. À travers les biens emportés, il est possible de dire de quel exode il s’agit. En Ukraine, il s’agissait d’un exode de classes moyennes. Même lorsque les Ukrainiens été contraints à partir avec le strict minimum, certaines jeunes filles emportaient leur fer à lisser parce que cela leur semblait important. D’autres personnes prenaient un tapis de yoga ou leur perroquet. J’étais fascinée par ces images-là et je me suis dit qu’il s’agissait aussi d’une façon de raconter la guerre.

Je n’avais aucune expérience de journalisme dans un pays en guerre. La seule chose que je pouvais apporter était donc ma propre perception du conflit. J’ai relu les ouvrages de Svetlana Alexievitch, le Prix Nobel de littérature qui a raconté la première, la souffrance des animaux à travers le recueil de témoignages de femmes ayant traversé la Seconde Guerre mondiale. La guerre ne se déroule pas seulement sur le front. Je suis allée rencontrer l’entourage de Zelensky pour comprendre le fonctionnement du système politique ukrainien. J’ai aussi raconté le passage méconnu de Balzac en Ukraine pendant trois années, de 1847 à 1850.  »

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