États-Unis : le patient militantisme anti-avortement

Le droit à l’avortement pourrait, demain, ne plus être protégé constitutionnellement aux États-Unis. Comment s’explique cet éventuel retour en arrière, et que peuvent faire les militantes des droits des femmes et les démocrates ?

L’alerte était donnée depuis plusieurs mois déjà : le refus d’examiner la loi texane de septembre 2021, qui interdit d’avorter après six semaines de grossesse et criminalise toute aide apportée aux femmes – l’inventivité juridique des anti-avortement semble sans limite – et le fait d’accepter de statuer sur la loi du Mississippi de 2018, bloquée en appel et limitant ce délai à 15 semaines, étaient des indices forts que la Cour suprême des États-Unis était tentée, par sa majorité de 6 juges (ultra-)conservateurs contre 3 progressistes, de revenir sur l’arrêt Roe v. Wade de 1973.

Si, depuis un autre arrêt, Planned Parenthood v. Casey, datant de 1992, les États fédérés ont davantage de latitude sur le plan législatif, ils ne peuvent imposer un « fardeau excessif » aux femmes à partir du deuxième trimestre de grossesse (« Roe » garantissant le droit absolu à avorter pendant tout le premier trimestre, ce qui est la très grande majorité des cas). « Casey » avait donc confirmé « Roe », lequel avait résisté depuis.

Des textes plus ou moins audacieux ont néanmoins vu le jour localement ces dix dernières années, qui visent pour beaucoup à mettre la pression sur la Cour suprême. Certains (Floride, Arkansas, Oklahoma, etc.) sont aujourd’hui dans l’attente de la décision à venir sur le Mississippi et se sont mis dans les starting blocks pour attaquer plus durement le droit à l’avortement. D’autres, en revanche, en ont renforcé les conditions d’accès : la Californie, le Colorado, le Nouveau Mexique, le New Jersey ou encore l’État de Washington ont ainsi rédigé des textes pour débloquer des fonds afin d’accompagner, d’informer et de protéger les femmes ; l’Illinois déploie des moyens pour accueillir celles arrivant de l’État conservateur voisin, le Missouri, et l’Oregon fait de même pour les patientes venues d’Idaho.

Ce sont sans surprise les femmes pauvres, issues des minorités et vivant dans des zones rurales, où de nombreuses cliniques ont déjà fermé en raison des restrictions imposées par les législatures conservatrices, qui sont les premières victimes du backlashAinsi que le montrent les enquêtes, la plupart des femmes qui ont aujourd’hui recours à l’avortement ont déjà un enfant et pas les moyens d’en assumer un autre. Penser qu’interdire l’avortement en fait baisser le nombre est une hypocrisie totale. Cela ne fait que creuser les inégalités.

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