En réalité, si l’on examine les choses sereinement, le programme de transformation proposé en 2022 est plutôt moins ambitieux que ceux de 1936 ou de 1981. Plutôt que de céder au conservatisme ambiant, mieux vaut le prendre pour ce qu’il est : une bonne base de départ sur laquelle il est possible de s’appuyer pour aller plus loin.
Le programme adopté marque d’abord le retour de la justice sociale et fiscale. Alors que l’inflation a déjà commencé à amputer les revenus et les économies des plus modestes, il est urgent de changer de cap. Ceux qui prétendent que le quoi-qu’il-en-coûte ne sera payé par personne mentent aux citoyens. Pour compenser les plus fragiles des effets de l’inflation et pour financer les investissements dans la santé, l’éducation et l’environnement, il sera indispensable de mettre à contribution les plus aisés.
Entre 2010 et 2022, les 500 plus grandes fortunes françaises sont passées d’après le magazine Challenges (peu suspect de gauchisme) de 200 milliards à près de 1000 milliards, c’est-à-dire de 10% du PIB à près de 50% du PIB. La hausse est plus forte encore si l’on élargit la focale et que l’on examine les 500 000 plus grandes fortunes (1% de la population adulte), qui dépassent aujourd’hui les 3000 milliards d’euros (6 millions d’euros par personne selon la World Inequality Database), contre à peine 500 milliards pour les 25 millions les plus pauvres (50% de la population adulte, détenant chacun 20 000 euros en moyenne).
Choisir au milieu d’une telle période de prospérité spectaculaire des plus hauts patrimoines et de stagnation des plus modestes de supprimer le maigre impôt sur la fortune, alors que de tout évidence il aurait fallu l’alourdir, témoigne d’un curieux sens des priorités. Les historiens qui se pencheront sur cette période ne seront pas tendres pour les gouvernements Macron et leurs soutiens.
Le premier mérite des partis de gauche est d’avoir su dépasser leurs conflits afin de s’opposer ensemble à cette dérive. Au-delà du rétablissement de l’ISF, il est proposé de transformer la taxe foncière en un impôt progressif sur le patrimoine net, ce qui permettrait de fortes réductions d’impôt pour des millions de Français surendettés des classes populaires et moyennes. Pour favoriser l’accès à la propriété, l’ensemble pourrait être complété à terme par un système d’héritage minimum pour tous.
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