Il faut enlever au palais sa muselière

Débarassé de son sarcophage d’échafaudages et de tôles ondulées, le palais de justice de Bruxelles nous dirait beaucoup. Politiquement incorrect, il conteste, de tout son poids, l’idéologie néolibérale du moins d’Etat

La colonnade de la place Poelaert, à Bruxelles, est une Babel de pierre qui étale son ventre de vingt-six mille mètres carrés sur le Galgenberg, en français la colline du gibet. Ensevelie dans un sarcophage d’échafaudages et de tôles ondulées, l’architecture de ce bâtiment unique au monde est devenue inaudible. Débarrassons l’ouvrage de cette muselière qui l’empêche de parler. Car il a quelque chose à nous dire.

Le palais de justice nous apprend que nous ne sommes pas des barbares mais les héritiers d’un riche passé, que nos premiers principes de justice ont été mis au point par les Grecs, perfectionnés par les Romains, fécondés par l’Église catholique et le droit canon, renouvelés par l’époque des Lumières, humanisés par l’État de droit et la société démocratique, dynamisés enfin par l’ouverture aux ordres juridiques internationaux.

Ce rêve de Piranèse, comme on le surnomme, nous dit quelque chose de l’État qui se l’est payé. La bâtisse nous parle par son prix. Car elle a coûté cher. Joseph Poelaert n’a jamais su maîtriser un budget. Mais peu importait aux responsables politiques de l’époque. Il s’agissait de refléter, dans un monument durable, la puissance du jeune État belge qui s’était hissé, sûr de lui, à la quatrième place mondiale en termes de produit intérieur brut, juste après les États-Unis, l’Allemagne et l’Angleterre.

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