Guerre en Ukraine : la sécurité alimentaire et l’agriculture, des enjeux plus que jamais géopolitiques

Dans quel contexte de sécurité alimentaire la guerre en Ukraine a-t-elle éclaté ?
La guerre en Ukraine s’inscrit sur une toile de fond agricole et alimentaire déjà extrêmement tendue. Depuis une vingtaine d’années, la planète est en surchauffe avec des demandes qui explosent dans des territoires qui produisent peu, où la population augmente avec des ressources naturelles qui ne sont pas immenses. La paix et la sécurité ne sont donc pas au rendez-vous. Or, il y a un fait géopolitique incontestable : quand bien même les ressources existent, c’est d’abord et avant tout la paix et la stabilité qui conditionnent le développement agricole.

Nous sommes également dans un contexte où la demande mondiale augmente fortement depuis 20 ans, avec 2 milliards d’habitants en plus. Or, la production agricole se situe à peu près dans les mêmes pays et la production dans les pays en développement n’a pas eu les effets escomptés jusqu’alors. La pandémie de Covid-19 que nous connaissons depuis deux ans n’est venue qu’intensifier l’insécurité alimentaire mondiale.

Dès l’automne dernier, les Nations unies avaient indiqué que nous étions toujours un milliard de personnes à souffrir de la faim et environ deux milliards de personnes avec très peu de quantité de nourriture et très peu de diversité dans les pratiques alimentaires. Pour le dire autrement, trois milliards de personnes vivent au quotidien en se demandant ce qu’elles vont pouvoir manger d’ici ce soir et cette situation risque de perdurer. L’inflation alimentaire était donc d’ores et déjà extrêmement fébrile avant le conflit russo-ukrainien. D’une part, la nourriture coûtait beaucoup plus cher qu’avant la crise Covid et d’autre part, les pouvoirs d’achat s’étant comprimés avec la pandémie, beaucoup de consommateurs se sont retrouvés dans une situation de double peine : moins de pouvoir d’achat, et des produits dont le coût a augmenté significativement. Seule l’Europe n’a pas connu d’inflation alimentaire.

Qu’est venue mettre à jour la guerre en Ukraine sur les questions agricoles ?
Avec le conflit, tout le monde a l’air de découvrir que le bassin de la mer Noire est un grand grenier exportateur de nourriture sur la planète. La Russie comme l’Ukraine font, depuis 20 ans, partie de ces pays qui ont remis le « turbo » sur leurs productions agricoles et produisent tellement qu’ils sont capables de libérer des surplus conséquents à l’exportation et donc de nourrir les marchés mondiaux. L’agriculture est un élément de souveraineté important pour les deux pays sur la scène internationale. Les céréales russes tout comme le gaz font partie des ressources stratégiques que Moscou a su promouvoir diplomatiquement.

Quant à l’Ukraine, elle a multiplié par douze en valeur et par six en volume ses exportations agricoles depuis 20 ans. C’est un pays qui a une capacité productive considérable. Sa production en grandes cultures est composée de céréales, oléagineux, colza, blé, maïs et tournesol. Cela représente aujourd’hui 110 millions de tonnes de production annuelle, c’est-à-dire trois fois ce que le pays faisait il y a 10 ans. Sur ces 110 millions de tonnes, 90 mille d’entre elles sont placées sur les marchés mondiaux. L’Ukraine représente en part de marché sur la scène internationale 10 à 12% du blé, 15 à 20 % du maïs, 20 à 25% de l’orge et du colza, ainsi que 50% à 60% des exportations mondiales d’huile et tourteaux de tournesol. La guerre en Ukraine est venue révéler l’hyperpuissance agricole de ce pays.

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