Lors du premier tour de la présidentielle de 2017, quatre candidats avaient réalisé entre 20% et 24% des voix : autant dire que de nombreux seconds tours étaient possibles et auraient pu se produire, au sein d’un paysage politique et idéologique profondément morcelé. Jusqu’au dernier moment, les électeurs de 2022 ont eux-aussi eu à faire face à des incertitudes considérables, et en particulier à un choix entre un second tour entre l’extrême-droite et la droite (Le Pen contre Macron, que la grande majorité des électeurs placent désormais et assez logiquement à droite) ou entre la droite et la gauche (Macron contre Mélenchon).
Ce choix est tout sauf anodin et emporte avec lui des conséquences considérables sur le type de délibération publique qui occupera le pays pendant deux semaines (et peut-être davantage) : un débat centré sur la chasse aux immigrés et aux musulmans dans le premier cas, ou bien l’espoir d’une discussion portant sur les salaires et les conditions de travail, la santé et l’éducation, la justice sociale et fiscale, les énergies renouvelables et les services publics dans le second.
Pour autant, quelle que soit l’issue de l’élection, on peut déjà être sûr d’une chose : nous n’assisterons pas au paisible retour d’un rassurant clivage gauche-droite. D’abord parce la droitisation générale du paysage politique et l’émergence d’un puissant bloc électoral antimigrants correspondent à une tendance lourde, que le macronisme au pouvoir a dangereusement accentué. Ensuite car il faudra un long travail pour que les forces de gauche parviennent à s’unir et à accéder au pouvoir.
Commençons par le premier point. Les choses sont maintenant écrites. En s’appropriant le programme économique de la droite, le centrisme macronien s’est non seulement droitisé : il a aussi contribué à droitiser le pays, en poussant la droite républicaine à une course-poursuite sans issue avec l’extrême-droite sur les questions identitaires. Le plus dangereux est l’arrogance du président-candidat, qui prétend être réélu sans débat ni programme, ou bien avec des mesures bâclées trahissant son tropisme fondamental : gouverner d’abord et toujours pour les premiers de cordée, en misant sur les divisions de ses adversaires.
La suite ici : Le difficile retour du clivage gauche-droite