En Allemagne, le casse-tête du démontage des centrales nucléaires

En dix ans de service, Jens Pietsch s’est habitué au protocole. Passer le portique de sécurité de l’ancienne centrale nucléaire de Rheinsberg. Se déshabiller entièrement au vestiaire. Enfiler tee-shirt, combinaison, chaussettes, chaussures, casque, gants, le tout fraîchement sorti d’une laverie spécialisée. Sans oublier de placer à hauteur de poitrine le dosimètre, un petit boîtier qui doit alerter en cas de surexposition à la radioactivité.

Dans le bourdonnement de la ventilation, Jens Pietsch grimpe des escaliers exigus et traverse de longues galeries de béton sous-pressurisées, parcourues de tuyaux et de câbles électriques, pour finalement atteindre le cœur de la centrale : la grande salle du réacteur. « Vous voyez ce grand trou béant ? C’est là que se trouvait la cuve sous pression du réacteur avec les combustibles radioactifs », décrit celui qui dirige le département « démontage »de la centrale.

Jens Pietsch n’a pas connu le réacteur en fonctionnement. La centrale a été mise à l’arrêt en 1990, avec deux ans d’avance sur la date prévue ; à l’heure de la réunification des deux Allemagne, les autorités de l’Ouest se méfiaient des infrastructures de l’Est, jugées moins sûres. Inaugurée en 1966, Rheinsberg faisait partie de la première génération de centrales nucléaires du monde. À l’époque, la technologie, à eau pressurisée, venait tout droit de l’Union soviétique : Rheinsberg se trouvait en [RDA|République démocratique allemande], communiste, dans la sphère d’influence de Moscou.

Le démantèlement était censé durer moins de quinze ans. Après l’évacuation des combustibles usés, en 2001, puis celle de la cuve du réacteur, en 2007, les Allemands pensaient avoir fait le plus gros. Las, les retards se sont accumulés. La réglementation s’est durcie au fil de l’évolution des connaissances scientifiques sur la radioactivité, les ingénieurs ont dû revoir leurs calculs. Les travaux de mesure de la radioactivité et de décontamination se sont avérés bien plus compliqués que prévu, notamment dans les tuyaux et les murs du bâtiment qui entourent le réacteur. Les concepteurs de la centrale n’avaient pas anticipé son démantèlement. Aujourd’hui, 11 000 tonnes de matériaux contaminés doivent encore être évacués vers un site de stockage temporaire de déchets radioactifs.

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