Nucléaire: comment Engie dicte ses lois

Il y aura des coups de bluff et des coups de force. Et c’est le Premier ministre Alexander De Croo en personne qui devra mouiller son maillot. Car “certains” suspectent que la ministre Groen Tinne Van der Straeten, ancienne avocate qui a travaillé dans le gaz et le renouvelable, et Thierry Saegeman, l’actuel boss d’Engie et chasseur de niches de subsides en faveur du renouvelable, s’entendent pour ne pas faire avancer le dossier. Politiquement, techniquement, financièrement… La négociation de la prolongation du nucléaire belge ne sera pas une promenade de santé. Pourtant, les tractations entre le gouvernement et Engie devront aboutir pour le mois de juin, selon l’échéance que s’est fixé le fédéral.

D’ici là, ils ont décidé de couper les micros après que Thierry Saegeman a fait trembler tout le monde en faisant valoir qu’il serait difficile de les prolonger avant 2027. Or le gouvernement ­fédéral veut maintenir ouvertes deux centrales nucléaires pendant dix années supplémentaires après 2025, date à laquelle la sortie du nucléaire devrait normalement être achevée. C’est que de réels problèmes techniques se posent. Il faut par exemple entre deux et trois ans pour construire sur mesure une pièce aussi sensible qu’une pompe de refroidissement, et obtenir du combustible nucléaire demande 30 mois.

Des problèmes de personnel viennent s’ajouter. Ceux qui sont compétents pour le démantèlement ne le sont pas forcément pour l’exploitation. Or le personnel exploitant, découragé, est parti ou est sur le départ, en particulier pour EDF, le plus gros acteur en Europe. Globalement, on demande à Engie de faire une prolongation de deux réacteurs en un temps fort court: en trois ans et demi alors qu’il aurait plutôt fallu cinq ans, surtout si on prend en compte les aspects légaux. Les Pays-Bas ont mis sept ans. Impossible? Nombre d’experts proches d’Engie estiment cependant que c’est réalisable moyennant un concours de bonnes volontés. Et là, pour l’heure, ce n’est pas gagné.

C’est que les tuiles s’accumulent et placent Engie en position de force pour refuser de jouer ce nouveau jeu. Tous les travaux d’étude sur l’extension de la durée de vie de Doel 4 et Tihange 3 ont été arrêtés en 2020 et il va être difficile de reconstituer les ­équipes qui travaillaient sur ce projet. Thierry ­Saegeman a également noté que le rapport de l’AFCN, l’organisme de surveillance nucléaire de notre pays, ne fait référence qu’à l’aspect de la sécurité nucléaire. En outre, Engie met la pression en disant vouloir être sûr de livrer une installation qui peut effectivement fonctionner pendant dix ans et qui est donc fiable.

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