Pour Poutine cela finira mal. Pour lui, personnellement, les jeux sont faits. Son image de chef d’État est définitivement abîmée, plus aucun dirigeant d’un État démocratique ne voudra encore lui serrer la main. Et le coût de cette guerre lui sera fatal. Ce n’est qu’une question de temps, mais, en l’occurrence, le temps risque d’être long. L’oligarque Sergueï Pougatchev, aujourd’hui réfugié à Nice après s’être illustré en France par le rachat d’Hédiard et le financement de la prise de contrôle de France-Soir par son fils –deux aventures qui ont mal tourné– affirme que la fin devrait être proche. «Le pays tombe en ruines. Soit cela va se finir par un coup d’État, soit quelqu’un va l’assassiner. Cela va forcément avoir lieu dans les trois prochains mois.» Un tel dénouement à une date aussi rapprochée ferait certainement plaisir à des millions de personnes en Ukraine et dans le monde. Mais il vaudrait mieux ne pas trop compter sur une telle accélération de l’histoire.
Ancien officier du KGB et ancien directeur du FSB (Service fédéral de sécurité), Vladimir Poutine est un homme de pouvoir organisé et prudent. Et la façon dont ses services contrôlent l’information fait que l’immense majorité de la population russe a une vue complètement faussée des événements actuels; il ne faut pas s’imaginer que les dizaines de milliers de personnes qui sont venues le 18 mars fêter le huitième anniversaire de l’annexion de la Crimée l’ont toutes fait par obligation.
Quant aux oligarques, leur capacité d’intervention est peut-être plus limitée qu’on ne le croit ici. Tatiana Kastouéva-Jean, qui en compte au moins cinq catégories, met volontiers l’accent sur leurs divisions. Il y a ceux qui ont fait fortune à l’époque d’Eltsine, les proches de Poutine, les fonctionnaires placés à la tête des groupes pétroliers et gaziers pour les gérer, les anciens des services de sécurité ainsi récompensés et les riches dirigeants sans aucune influence sur le Kremlin… Il est peu probable que ces personnalités diverses, qui ne forment pas un groupe cohérent, soient en mesure d’exercer une véritable pression sur le pouvoir. La brutalité des méthodes du président les incite aussi à la prudence, quels que soient leurs griefs envers la politique menée actuellement.
La suite ici : La Russie aura bien du mal à se remettre de cette guerre, quelle qu’en soit l’issue