L’Ukraine a toujours été un grand grenier et un exportateur de blé. Dès l’Antiquité, cette région produisait pour Athènes. Le pays a du potentiel, ce sont les terres arables les plus vastes du continent : c’est 30 millions d’hectares cultivés, contre 26 en France.
Ces dernières années, l’Ukraine a misé sur l’agriculture pour se développer, enrichir ses capacités domestiques. Une partie conséquente de sa production est exportée. L’agriculture représente 10 à 15 % de son PIB et 20 % de l’emploi, mais c’est 30 à 40 % des exportations totales du pays. Il y a beaucoup de productions en grande culture : le tournesol, l’orge, le colza, le maïs. Pour le blé, l’Ukraine est le septième producteur mondial, mais surtout 4e ou 5e exportateur mondial. Elle fait 10 à 13 % ces dernières années de parts de marché dans le monde à l’export. Il faut avoir conscience de ces volumes importants.
A l’export, l’Ukraine a multiplié par 12 le montant de ses exportations agricoles depuis le début du XXIe siècle. Ce qui est intéressant, c’est de voir le mouvement des dernières années. Depuis le début du siècle, elle a exporté au total près de 190 tonnes de blé, dont 90 sur les cinq dernières années ! On est face à une grande puissance agricole, qui est capable de libérer beaucoup de surplus à l’export et de contribuer à un certain nombre d’équilibres alimentaires mondiaux. Elle a parfaitement conscience que le monde a faim.
Comment expliquer le niveau de la flambée actuelle des prix ? Comment la qualifieriez-vous en comparaison des précédentes ?
Les marchés ont toujours réagi aux troubles géopolitiques. Et quand vous avez un trouble sur un grenier, il y a un démultiplicateur de nervosité.
Avant la crise, nous étions déjà sur des prix de céréales et de produits agricoles de base au plus haut depuis la crise de 2007-2008. C’est le résultat de la crise du covid-19. Les tarifs du fret ont augmenté, les engrais aussi, il y a des problèmes climatiques. On était déjà à 300 euros la tonne de blé, et c’est déjà énorme. Il y a deux ans, c’était 150 euros ! Avec la guerre en Ukraine, la tonne s’est négociée entre 400 et 450 euros la tonne, les prix crèvent le plafond. On est sur des records absolus.
Sur trois semaines, la hausse est spectaculaire et s’inscrit dans un contexte où les prix étaient déjà élevés. Le renchérissement des produits agricoles, cela fait 24 mois qu’il est progressif. La planète a, depuis deux ans, de grandes inquiétudes alimentaires. C’est structurel pour certains pays. Tout le monde était déjà en pleine nervosité, avec la guerre en Ukraine, on est presque dans l’effroi.
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