La politique de Biden face à la guerre en Ukraine : une délicate ligne de crête

Mais le choc de réalité expose aussi la vacuité voire la collision de certains « slogans » démocrates : la « politique étrangère pour les classes moyennes » ne s’applique guère à l’Ukraine, le défi existentiel du changement climatique a été mis de côté, même la lutte des démocraties contre les autoritarismes semble mise à mal par de récentes initiatives diplomatiques vers l’Arabie saoudite ou le Venezuela pour atténuer la hausse des prix du pétrole.

L’invasion russe a aussi confirmé le soutien américain à l’Ukraine, intensifié sous Biden depuis janvier 2021, et le choix d’isoler et punir la Russie puisque le sommet de Genève de juin 2021 a échoué à la stabilisation de la relation américano-russe voulue par Biden. Les choix américains depuis l’automne dernier et jusqu’à ces derniers jours confirment la grande prudence de Biden face au risque d’escalade : il n’est pas question pour Washington que l’invasion russe conduise à un affrontement entre les deux principales puissances nucléaires mondiales, illustration du principe dominant de cette administration, si ce n’est d’un nouveau consensus américain, la retenue stratégique (restraint). La politique ukrainienne de Washington est bien sur une étroite ligne de crête.

Le soir-même de l’invasion russe, Biden rappelait les lignes rouges américaines : pas d’implication directe de soldats américains en Ukraine, respect des engagements américains vis-à-vis des alliés de l’OTAN, importance de la réponse diplomatique collective à la Russie. La diplomatie américaine s’est déployée en ce sens dès l’automne dernier, ce qui a permis l’unité de la réponse transatlantique (et au-delà avec le Japon, l’Australie, Singapour, la Corée du Sud), dont témoignent les paquets de sanctions successifs, unité rompue seulement par la décision américaine d’embargo sur le pétrole et certains produits énergétiques russes.

Les décisions et discours de Biden confirment l’évolution de l’homme, en particulier sur la dimension militaire : sélectivité (intérêts vitaux) et prudence (éviter l’escalade) sur l’utilisation de la force militaire, accent sur la diplomatie et l’assistance sécuritaire.

Ces choix illustrent le point de départ de la réflexion démocrate à l’international, qui rejette avant tout la militarisation de la politique étrangère américaine depuis la fin de la Guerre froide, dont les effets ont été contre-productifs pour la puissance américaine dans le monde. C’est aussi une évolution personnelle de celui qui avait été au Congrès l’un des promoteurs des interventions américaines dans les Balkans dans les années 1990, et avait voté l’intervention en Irak en 2003 : désillusion par rapport aux guerres contre le terrorisme, comme en témoigne le retrait d’Afghanistan l’été dernier mais aussi la réduction frappante des frappes américaines dans le monde depuis le départ de Trump (divisée par deux selon Airwars).

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