De ce mois de désolation et d’angoisse, du chaos et des vies brisées par l’agression russe de l’Ukraine, une leçon émerge : plus que jamais, il importe d’être attentifs aux mots tout autant qu’aux actes de Vladimir Poutine. Nous avons bien trop tardé à nommer sa volonté d’annihilation de la jeune démocratie voisine pour nous permettre, aujourd’hui, de négliger encore ce qu’il dit, et ce qu’il tait.
A Moscou, un mot est interdit, par une loi qui bâillonne désormais tous les médias : « guerre ». Cette censure trahit évidemment l’échec d’une double épreuve de force que Poutine espérait emporter rapidement face à ce qu’il voyait comme deux faiblesses, locale et internationale, imbriquées. Sur le terrain, l’armée ukrainienne a tenu, arrêtant la plupart des offensives de cette invasion. Et à l’étranger, en Europe comme à l’OTAN, la réaction a été prompte et vigoureuse, conjuguant sanctions de grande ampleur et livraisons d’armes aux forces de Kiev. Sur le sol ukrainien, l’opération éclair a donc changé de nature. C’est une guerre de position qui se met en place, accompagnée d’une politique de la terreur délibérée à l’encontre des populations, comme le démontre l’abomination en cours à Marioupol.
Pour prendre pleinement conscience de l’horreur potentielle de cette nouvelle phase de l’agression, un mot prononcé par Vladimir Poutine, le 16 mars, lors d’une conférence télévisée, peut être utile : la « purification ». Certes, il était adressé, au sein de la population russe, à tous les réfractaires à son régime kleptocratique, à tous les critiques de cette guerre, à toutes celles et tous ceux que le despote qualifie de « nationaux traîtres ». C’est cette « purification » qui contraint à l’exil un nombre toujours croissant de membres de la classe moyenne et de l’élite intellectuelle, c’est elle qui vient de faire condamner à neuf années de prison supplémentaires l’opposant Alexeï Navalny, empoisonné avant d’être incarcéré, c’est elle encore qui a conduit à l’interdiction définitive de l’association Memorial, qui faisait la lumière sur les crimes du stalinisme.
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