Royaume-Uni : « L’argent sale russe s’est infiltré partout dans notre société »

À Londres, la fortune des oligarques russes a alimenté les partis politiques, le football, les médias, l’industrie ou l’immobilier… Pour Gina Miller, présidente du parti True and Fair, il est plus que jamais nécessaire d’agir pour purger le Royaume-Uni de l’argent sale. Même s’il est déjà tard.

J’ai vécu une expérience inhabituelle. Je dirige une société d’investissement, une fondation caritative et je travaille dans des conseils d’administration de groupes de réflexion. Nous avons toujours été conscients que l’argent russe entrait dans la ville et arrivait dans de grandes institutions, mais le mouvement s’est intensifié après la crise financière en 2008. À ce moment précis, il y a eu une augmentation des montants qui affluaient. C’était flagrant.

J’ai été approchée par des gens par le versant caritatif. Ils m’ont dit : « Si vous donnez à cette personne l’accès à des membres de la famille royale, à des célébrités, à de grandes œuvres de charité, si vous leur permettez d’être invités aux événements qui comptent, aux matchs de polo… nous pourrions vous donner 30 millions de livres sterling [environ 36 millions d’euros, ndlr] pour commencer, il y en aurait d’autres à venir. » Nous aurions pu faire des choses incroyables avec cet argent ! Mais il y avait tellement de conditions… Nous devions financer des organisations caritatives étrangères en Biélorussie, en Roumanie, certaines en Afrique également. J’ai très vite compris que ce n’était pas de l’argent propre. Ça déclenchait toutes nos sonnettes d’alarme.

Avez-vous fini par savoir qui était ce « généreux donateur » ?

Non. Mais c’était de l’argent russe, à coup sûr. Toutes les organisations caritatives de Londres ont été sollicitées par des « conseillers en philanthropie » pour des investissements russes. À cette époque-là, j’ai vu arriver des Russes dans toutes les soirées londoniennes, au milieu de la bonne société britannique. Quand je posais des questions sur ces gens, on me répondait en riant : « Ce sont les nouveaux riches. » Les nouveaux riches avaient de l’argent russe et nous ne devions pas poser trop de questions.

(…) Une loi vient d’être votée en urgence pour lutter contre l’argent sale et s’attaquer directement aux milliardaires russes proches de Poutine. Est-ce suffisant ?

C’est une blague ! D’abord, ce projet est resté en veilleuse pendant des années. Il n’y avait aucune volonté politique de le présenter parce que, en fait, il ne s’agit pas que de l’argent russe. Londres regorge d’argent du monde entier dont les origines sont très douteuses.

J’ai lu une grande partie du projet de loi et il comporte d’énormes lacunes. D’abord, on introduit une nouvelle législation, mais il n’est jamais question de ressources ou de nouveaux fonds pour ceux qui doivent enquêter. Ce gouvernement a systématiquement réduit le financement des services de police, des tribunaux, des agences criminelles. Qui va appliquer cette nouvelle législation ? C’est un problème à mes yeux.

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