Eric David. La Russie commet-elle des crimes de guerre en Ukraine ?

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a été qualifiée d’« agression » par l’Assemblée générale des NU réunie en session extraordinaire d’urgence, le 1er mars dernier. Cette qualification juridique, peu fréquente en pratique, a fait l’objet d’une résolution adoptée par 141 voix contre 5 (Russie, Biélorussie, Corée du Nord, Érythrée, Syrie), avec 35 abstentions et 12 États absents au moment du vote.

On ne commentera pas les raisons de ces abstentions et absences souvent marquées par une certaine accointance politique avec la Russie (par ex., Chine, Cuba, Kirghizistan, Kazakhstan, etc.) ou des pensées irrédentistes proches des positions russes (par ex., Arménie, Éthiopie, Inde, Maroc, etc.). La question traitée ici est de savoir si l’agression russe contre l’Ukraine peut être portée devant une juridiction internationale.

De fait, trois juridictions internationales ont été saisies de la situation : la Cour internationale de Justice (CIJ), la Cour pénale internationale (CPI) et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

1. Le recours à la CIJ

La saisine de la CIJ par l’Ukraine ferait presque sourire si elle ne s’inscrivait pas dans la tragédie de l’agression russe. Pourquoi sourire à ce propos ? Parce qu’on a entendu Poutine affirmer (sans rire, lui …) que la Russie voulait mettre fin au génocide entrepris par l’Ukraine dans le Donbass et dénazifier ce pays ! Accuser l’Ukraine de nazisme parce qu’il existe une extrême droite qui ne représente que 2,15 % des voix et qu’il existe, en Ukraine, une milice de têtes brûlées (le bataillon « Azov »), c’est évidemment ridicule et ne peut justifier l’invasion d’un pays. Quant à accuser l’Ukraine de « génocide », la Russie donnait à l’Ukraine des verges pour se faire battre car celle-ci a pu profiter de cette accusation pour soumettre l’affaire à la CIJ.

(…) Or s’il n’y a ni accord bilatéral Ukraine/Russie pour soumettre leur litige à la CIJ, ni déclaration unilatérale de leur part reconnaissant la compétence de la CIJ, en revanche, les deux États sont parties à la Convention de 1948 pour la répression du crime de génocide ; or, son art. IX prévoit que tout État partie peut saisir la CIJ d’un différend sur l’interprétation ou l’application de la Convention.

L’Ukraine a donc profité de cette disposition pour introduire une instance contre la Russie en demandant à la Cour de dire que l’invasion russe pour « prévenir et réprimer un soi-disant génocide [était] dépourvue de tout fondement juridique »

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