« Poutine est prêt à payer un prix très élevé pour réaliser sa mission »

Début janvier, les Américains et les Russes se rencontraient à Genève autour d’un « dialogue sur la stabilité stratégique » [après le déploiement, début décembre 2021, de 100 000 soldats russes à la frontière Est de l’Ukraine, ndlr]. C’est suite à cette rencontre que j’ai tenu ces propos. Depuis, la situation a très largement évolué. Il y a quelques jours, déjà, des civils ukrainiens avaient été évacués des régions séparatistes autoproclamées de Donetsk et de Lougansk. C’était un premier élément inquiétant, qui faisait craindre le pire.

Surtout, deux éléments ont totalement changé la donne lundi 21 février. D’abord, Vladimir Poutine a rencontré, devant les caméras, son conseil de sécurité en demandant à chaque membre : « Pour vous, est-ce que je dois reconnaître Donetsk et Lougansk comme des États indépendants ? » Tous ont été obligés de dire oui, et l’un d’entre eux est même allé encore plus loin en disant « Il faudrait même qu’ils fassent partie de la Russie » – ce à quoi Vladimir Poutine a répondu que ce n’était pas la question du jour. Cet évènement a constitué un facteur de changement, car le président russe a mobilisé l’ensemble de l’appareil d’État autour d’une décision criminelle, afin de limiter toute forme de défection possible. C’est une sorte de « pacte de la mafia ».

Par ailleurs, le discours de Poutine suivant cette réunion a été extrêmement dur. Il a dénié toute forme de légitimité à l’État ukrainien, avançant en substance qu’il aurait été créé par les Soviétiques en 1922, et qu’il serait aujourd’hui dysfonctionnel. Pour lui, c’est comme si l’Ukraine était, au fond, sous contrôle direct des États-Unis. Et à partir du moment où vous reconnaissez l’indépendance d’entités séparatistes et que celles-ci vous appellent à l’aide, vous ne pouvez qu’intervenir. D’où la mobilisation de l’armée, qui correspond à la tradition du légalisme russe. Jeudi matin, l’armée russe a choisi de franchir toutes les frontières de l’Ukraine. Elle a ciblé des aéroports dans tout le pays, tout simplement car c’est à partir de là que peuvent s’organiser des convois ; ce sont des lieux stratégiques qui permettent de mieux déployer ses forces.

Bref, depuis lundi soir, la question n’était plus « si » mais « quand » et « jusqu’où » l’armée russe allait intervenir. Les premiers éléments que l’on observe depuis quelques heures démontrent que la Russie ne compte pas s’arrêter à Donetsk et Lougansk mais pousser plus loin. Un scénario qui paraissait invraisemblable il y a encore quelques semaines se réalise aujourd’hui.

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