Dans la guerre en Ukraine, les non-dits sont tout aussi importants qui les discours. Le storytelling officiel ne dit pas tout. Mais il est en lui-même éloquent. Pour essayer d’y voir plus clair, posons-nous des questions redoutablement simples: pourquoi attaquer l’Ukraine? Pourquoi maintenant? Et pourquoi de cette façon?
Lundi soir et jeudi matin, le président russe a justifié une «opération militaire spéciale» en s’appuyant essentiellement sur trois arguments. Ce discours de propagande dit ce qu’est l’Ukraine à ses yeux.
Le premier argument tient à la nature qu’il attribue au gouvernement ukrainien: cet État, indépendant depuis la fin de l’URSS en 1991, serait dirigé par une «junte», serait infiltré par des «mouvements néo-nazis» et constituerait une colonie des ennemis de la Russie. Ces prétextes à la limite de l’absurde sont destinés avant tout à l’opinion publique russe. Ils reposent sur une vision de l’histoire très largement diffusée en Russie depuis plusieurs années par les manuels scolaires d’histoire, les films, les intellectuels et les célébrations officielles.
D’une part, les autorités russes mettent régulièrement en avant l’épisode de la Seconde Guerre mondiale qui a vu certains Ukrainiens de l’ouest du pays accueillir les envahisseurs allemands en libérateurs. Et certains médias russes insistent souvent sur l’existence –réelle– de mouvements d’extrême droite qui cultivent cet anti-communisme admirateur du régime nazi.
D’autre part, le pouvoir russe actuel n’a jamais fait mystère du peu de respect que lui inspire la classe dirigeante ukrainienne depuis le départ du dernier président ukrainien, Viktor Ianoukovitch, sous la pression populaire, à la fin de 2013. Pour les dirigeants russes en général et le président Poutine en particulier, les président ukrainiens successifs, Porochenko (2014-2019) puis Zelensky (élu en 2019) sont trop soutenus par les États-Unis pour ne pas être présentés comme de simples «marionnettes» et donc comme un gouvernement illégitime. En somme une «junte» installée par Washington pour saper la Russie à ses portes.
Mais, par-delà cette vision historique pour le moins idéologiquement biaisée, plus fondamentalement, le pouvoir russe vise l’Ukraine pour des raisons structurelles.
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