En mettant la main sur Hachette Livre, leader du secteur, l’industriel breton, déjà à la tête d’Editis (numéro 2 de l’édition, appartenant à Vivendi), sera en position de fusionner les deux plus importants groupes d’édition français. Conséquence : une concentration inédite dans le secteur. Grasset, Fayard, Stock, Calmann-Levy, Le Livre de poche, Larousse, Hatier et bien d’autres encore viendront ainsi s’ajouter aux déjà nombreuses maisons d’édition du groupe Editis : Plon, Julliard, La Découverte, Bordas, Le Cherche Midi, Nathan, Perrin, Bordas, Bouquins….
Ce mastodonte, s’il voit le jour, couvrira l’ensemble de l’offre éditoriale, lui donnant une position dominante dans de nombreux secteurs de l’édition, du livre de poche à l’édition scolaire et parascolaire, en passant par la littérature générale ou les livres pratiques. Une puissance renforcée par une concentration dans la diffusion et la distribution, et par l’implantation importante du groupe Hachette à l’étranger.
Une telle opération de concentration ne peut pas avoir lieu sans un contrôle de la Commission européenne. C’est ce qui s’était déjà produit en 2002-2004, quand Jean-Luc Lagardère avait racheté la totalité de VUP (Vivendi Universal Publishing). Il avait dû se séparer d’un certain nombre d’actifs, à la demande de la Commission européenne, qui avait planché sur le dossier pendant plus d’un an.
Mais aujourd’hui, du fait de l’implantation internationale d’Hachette, « il y a toute une partie de son périmètre qui va tout simplement échapper à la Commission européenne, et notamment la Grande-Bretagne en raison du Brexit », prévient Jean-Yves Mollier, professeur d’histoire contemporaine spécialiste du monde du livre, dans un entretien à L’Express.
(…) Certains éditeurs craignent que les intentions de Vincent Bolloré ne soient pas exclusivement économiques. « Quelle est l’intention ? Je ne crois pas que l’objectif est de préserver la diversité du panorama éditorial« , s’inquiète Françoise Nyssen, présidente du directoire d’Actes Sud dans une interview à franceinfo Culture. « Il y a des choses que l’on ne peut pas ignorer : quand Albin Michel a décidé de ne plus éditer Eric Zemmour, il a été accueilli par Editis… C’est aussi comme ça que l’on peut diffuser de façon massive, et soutenir un courant d’idées unique, qui est celui que nous connaissons », ajoute l’ancienne ministre de la Culture. « Si l’on va vers une culture unique dans un discours unique, c’est inquiétant. On est très, très, très inquiets » insiste Françoise Nyssen.
La suite ici : Pourquoi le projet de rachat d’Hachette par Vincent Bolloré inquiète le monde du livre