L’essor du « capitalisme attentionnel » : quand nos cerveaux deviennent le nouvel or noir

Tous les possesseurs de smartphones ont déjà fait cette expérience désagréable : s’oublier soi-même en faisant défiler un fil d’actualité sur un réseau social, que ce soit sur Facebook, Twitter ou Instagram. Ici, le problème ne réside pas tant dans l’existence de ces applications que dans leur usage passif, machinal, quasiment pathologique : je scrolle sans but, par habitude et par flemme, me dis-je. En pensant cela, j’occulte une chose fondamentale : ce n’est pas seulement parce que je suis fatigué ou feignant que j’agis ainsi, mais bien plutôt parce que les têtes pensantes de la Silicon Valley œuvrent dans cette optique depuis maintenant une décennie.

Je crois me servir des réseaux sociaux, mais en réalité ce sont eux qui se servent de moi. Le développement de ce « capitalisme attentionnel » fait l’objet d’une critique décisive de la part d’Yves Marry et Florent Souillot dans La Guerre de l’attention.  Le mot « guerre » est assumé par les deux auteurs : « Une guerre quotidienne, sans uniforme ni territoire, que se livrent les plus grandes entreprises pour capter notre temps de cerveau, ce nouvel « or gris ». Une guerre qui menace de réduire notre monde et nos relations à un grand silence uniquement ponctué de notifications et de flash lumineux. »

Il est vrai que notre rapport au monde semble avoir changé avec le développement des technologies numériques. Plus que jamais notre existence devient artificielle, car elle est sans cesse médiatisée par nos smartphones. C’est comme si nous vivions désormais devant un écran : quand j’échange avec mes amis, quand je regarde l’actualité, quand je fais les courses ou quand je cherche mon chemin dans la rue. Cette nouvelle dépendance, « LA mutation sociale la plus déterminante de ces dix dernières années », implique de nouveaux enjeux, de nouveaux marchés, de nouveaux modes de consommation.

En bref, une nouvelle économie à part entière. Pas étonnant que les GAFAM se soient engouffrés dans cette brèche qu’ils ont eux-mêmes créée. Pour Yves Marry et Florent Souillot : « L’âge des plateformes dans lequel nous vivons est caractérisé par la captation sauvage de notre attention par quelques acteurs privés, signant une nouvelle étape de l’emprise du capitalisme sur nos existences. L’attention y remplace le pétrole mais les mêmes principes s’appliquent d’une façon significative : libéralisation des marchés, extraction massive des ressources, rentes technologiques et monopôles, profits démesurés non redistribués… C’est l’avènement du « capitalisme attentionnel »

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