« Liberté, égalité, incertitude », quelle étrange devise ! Depuis notre 2022 hexagonal, cela fait sens : à lire les sondages à quelques semaines de la présidentielle, les candidats prônant la fraternité sont aux abonnés absents et l’incertitude sur les candidats de droite présents au second tour domine. À moins que cette nouvelle devise ne constitue une référence à l’interminable crise sanitaire qui, depuis deux ans, nous empêche de nous projeter avec certitude dans l’avenir, l’échafaudage de nos plans étant sans cesse balayé par un nouveau protocole sanitaire?.
L’incertitude à laquelle se réfère ici Jan-Werner Müller est celle des résultats électoraux, problème qui ne taraude certainement pas Vladimir Poutine ou Xi Jinping. Or, selon le théoricien politique, un nombre croissant de dirigeants occidentaux… n’en voudraient plus non plus ! Dopés par l’idéologie technophile et la capacité à tout prévoir grâce aux algorithmes, les nouveaux populistes refusent désormais les résultats des urnes. Comme le formule le dramaturge Tom Stoppard dans une maxime lumineuse : « la démocratie est un système où les partis perdent les élections ».
À cette aune, le recul est patent. Ainsi de Donald Trump qui parle de « vol » et de « mensonge » à propos de sa présidentielle perdue. Et Jan-Werner Müller de constater, hélas, qu’une forte majorité (70 %) des électeurs républicains sont d’accord avec leur candidat sur ce point.
Les vérités des urnes que nous croyions éternelles se révèlent très fragiles. Pour l’essayiste, il y a un péril immense pour l’ensemble des libertés car : « la liberté ne se résume pas à un droit de vote. Il y a aussi la liberté d’expression, la liberté de réunion et la liberté d’association ».
Prolongateur des thèses du philosophe du XXème siècle Isaiah Berlin sur les rapports entre égalité et liberté, Jan-Werner Müller nous rappelle que les deux sont indispensables à la démocratie : « La démocratie est fondée sur l’égalité et la liberté. Ces deux principes sont en tension l’un avec l’autre. La liberté – surtout si elle s’accompagne d’une inégalité des ressources- peut renforcer, voire exacerber l’inégalité politique, mais sans liberté, il n’y a pas moyen de lutter contre les atteintes à l’égalité ».
La suite ici : « Liberté, égalité… incertitude » : les nouveaux mécanismes de confiscation du vote