La bulle de l’ubérisation risque d’exploser parce qu’elle repose sur une fiction juridique selon laquelle il serait tout à fait légal d’employer des travailleurs subordonnés aux plateformes avec un statut d’indépendant, hors droit du travail. Les plates-formes numériques ont réussi à relayer cette fiction dans les discours économiques et médiatiques dominants, mais cette tromperie sur la marchandise juridique ne peut durer.
J’en veux pour preuve que dans la plupart des pays occidentaux, les juges saisis de cette question finissent par dire que ça n’est pas du travail indépendant et vont dans le sens d’une requalification en salariés. Plusieurs États réalisent qu’ils ne peuvent laisser dériver ainsi le droit du travail, même la Commission Européenne s’y attaque. Aussi, la fiction de la fin du droit du travail vendue par les plates-formes est sur le point d’imploser. Les fausses notions de « choix », « d’autonomie » de « travail à la demande » vantées par les thuriféraires de l’ubérisation n’ont cessé de perdre en crédibilité.
Le e-commerce prend désormais une part énorme dans l’activité économique qui vient en concurrence de la distribution classique, déjà peu connue pour être un fief du droit social… Or, la majeure partie de cette activité se fait par le biais de micro entreprises qui interviennent en sous-traitance de plus gros groupes. Et leurs travailleurs sont souvent non déclarés, ou au mieux sous-déclarés ; des montages frauduleux leur permettent d’échapper au droit du travail. Il existe des analyses socio-économiques sur ce secteur qui montrent très bien comment ces pratiques sont désormais systémiques…
Le e-commerce est dominé par l’idée qu’on peut substituer une relation commerciale au droit du travail et cela va bien au-delà de l’ubérisation… Le paradoxe ultime est que le développement du non-droit du travail touche avant tout les catégories ouvrières non qualifiées, c’est-à-dire celles pour qui le droit du travail a été inventé à l’origine.
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