Proposé comme substitut à « il » et « elle », le pronom « iel » a dernièrement fait son entrée au Petit Robert. La nouvelle a suscité l’indignation des puristes. Jamais, au grand jamais, les preux défenseurs de la langue – qui voient l’écriture inclusive comme « un effet de mode », comme une énième prolongation de la culture woke, comme une incapacité à relativiser – ne succomberont et ne se plieront pas à une telle absurdité. Tel est, en gros, la teneur du tollé.
Fautes d’accord, anglicismes, tics de langage, argot des jeunes : autant de sujets dont on débat rarement dans un climat apaisé. Dans le même ordre d’idée, les adaptations linguistiques destinées à inclure les non-binaires (à savoir les personnes qui ne se retrouvent pas dans les catégories de genre traditionnelles homme/femme) suscitent souvent de vives réactions d’opposition. La confusion grammaticale que provoquent les pronoms neutres n’y est sans doute pas étrangère.
Mais il n’est pas seulement question de confusion grammaticale : le débat linguistique dévie rapidement sur l’identité. La langue est en nous, fait partie intégrante de notre identité. Elle nous berce depuis notre naissance et nous ne voulons pas la voir changer. Enfin, quand je dis « nous », permettez-moi de me tenir un instant à l’écart de ce collectif, car je ne me reconnais pas dans ce réflexe conservateur, particulièrement présent au sein de l’ancienne génération – dont je fais malheureusement partie.
L’intransigeance et l’acharnement dont certains font preuve pour défendre la Langue Sacrée me surprennent. Comme si toute modification, tout ajout, aussi minimes soient-ils, les heurtaient au plus profond d’eux-mêmes. Je trouve cette réaction pour le moins paradoxale, puisqu’ils reprochent cette même hypersensibilité aux non-binaires. Ils soutiennent par ailleurs que leur combat n’a rien à voir avec l’hypersensibilité ou un quelconque manque de recul : ils sont des amoureux de la langue, et les amoureux de la langue ne s’avouent jamais vaincus.
La suite ici : La langue est bien vivante, descendez-la donc de son piédestal ! – DaarDaar