La trêve aura été de courte durée. Après un rapide passage à vide au plus fort de la crise pandémique, les grandes entreprises cotées se remettent à racheter massivement leurs propres actions. Aux Etats-Unis, les multinationales ont ainsi dépensé en 2021 plus de 850 milliards de dollars (750 milliards d’euros). En France, les montants restent plus modestes, mais la tendance est en forte hausse.
La pratique avait disparu pendant quelques mois en 2020 sous la pression des autorités monétaires et des Etats. Il était effectivement difficilement justifiable auprès de l’opinion publique de laisser les multinationales dépenser d’énormes sommes au profit de leurs seuls actionnaires au moment même où les pouvoirs publics déployaient des moyens financiers colossaux pour éviter l’effondrement de l’économie mondiale. Mais la reprise de 2021 a encouragé le retour en force de ces pratiques.
Le procédé consiste pour une entreprise à racheter ses propres actions sur le marché pour ensuite les annuler dans la foulée. Réduire le nombre de titres en circulation permet mécaniquement d’augmenter le bénéfice par action, ce qui a pour effet à plus ou moins court terme de doper le cours de Bourse, à la grande satisfaction des actionnaires. La logique a de quoi interpeller l’opinion. Des milliards partent en fumée pour rémunérer ces derniers alors qu’il y a encore quelques mois l’économie était tenue à bout de bras par les banques centrales et les gouvernements. Une partie de cet argent ne serait-elle pas mieux utilisée pour prévenir la prochaine crise au lieu d’attendre, une fois de plus, l’aide des pouvoirs publics ?
Les entreprises justifient de recourir aux rachats d’actions en raison du manque d’opportunités d’investissements qui offriraient une rentabilité supérieure au coût du capital. N’ayant pas mieux à faire de leurs profits, elles préfèrent rendre l’excès de trésorerie à leurs actionnaires. Le comble est que certaines entreprises vont même parfois jusqu’à s’endetter pour financer ces plans de rachats d’actions. L’objectif n’est donc plus seulement d’accumuler du capital productif, mais surtout de faire monter par tous les moyens les cours de Bourse dans le but de distribuer du cash aux actionnaires.
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