D’une manière générale, les sociaux-démocrates – que ce soient les partis, les syndicats quand ils en sont proches, ou les think tanks qui étaient très actifs au moment où la « troisième voie5 » avait le vent en poupe – peinent à produire des idées nouvelles.
Je trouve intéressantes quelques idées qui circulent actuellement, comme celle de l’État investisseur social, ou celle de la pré-distribution6 qui en est assez proche. Elles consistent à modifier le processus actuel de redistribution des richesses en corrigeant les inégalités à la source, voire avant qu’elles ne se forment, et non plus a posteriori. Mais ces idées tardent à prendre corps, voire à être transformées en programme de gouvernement là où ce serait possible. Et cela reste assez pauvre, par comparaison avec ce que la social-démocratie a déjà apporté au débat intellectuel, notamment durant les années 1930.
Je fais plutôt le diagnostic d’un faible dynamisme intellectuel. Il est symptomatique que les idées qui apparaissent nouvelles et originales viennent en réalité d’autres cercles intellectuels, écologistes ou altermondialistes. C’est le cas du revenu d’existence7 défendu par Hamon lors de sa campagne. Auparavant, de telles idées n’étaient diffusées que dans des courants microscopiques, comme Utopia au sein du PS français, qui n’a jamais eu le moindre poids politique, ni à l’intérieur ni à l’extérieur du parti.
Voir Hamon faire campagne sur des thèmes aussi minoritaires a quelque chose d’assez ironique. Ce n’est pas un mal en soi, mais c’est l’indice d’un problème très profond. Sur le plan intellectuel comme sur le plan électoral, un espace social-démocrate – tel qu’il est souvent conçu, comme un « juste milieu » entre le centre-droit néolibéral et la gauche radicale – n’aura probablement plus la capacité de reconquérir la taille et l’hégémonie qui furent les siennes durant les dernières décennies. En dehors de quelques situations locales, cet espace est voué à demeurer très réduit dans les années à venir. Mais je parle ici d’idées et d’espace politique : les organisations partisanes n’y sont pas « scotchées » et peuvent avoir des destins plus heureux.
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