François Gemenne : « Aucune COP n’a le pouvoir d’arrêter le changement climatique »

Le leitmotiv de cette COP, c’est qu’il s’agit de concrétiser les promesses faites lors de la COP21. Et le problème est effectivement que les promesses d’action ont remplacé l’action elle-même, depuis la COP21. Le résultat, c’est que les courbes de nos émissions globales de gaz à effet de serre n’ont été infléchies que par la pandémie de Covid-19, et non par les actions des gouvernements. Donc il faut espérer non seulement que les engagements des différents gouvernements s’alignent enfin sur les objectifs de l’Accord de Paris, mais surtout que ces engagements soient enfin respectés, et cessent d’être de simples résolutions de Nouvel An… Cela étant, les COP ne peuvent pas tout résoudre : ce ne sont que des forums de discussion entre gouvernements, qui essaient d’organiser la coopération internationale. Mais au final, tout dépend des gouvernements.

Le grand retour des États-Unis, associé à l’Union européenne, peut-il faire pencher la balance, malgré l’absence des présidents brésiliens ou chinois ?

L’absence de certains chefs d’État n’est pas un problème en soi — avant la COP15, les apparitions de chefs d’État étaient très rares. Évidemment le retour des États-Unis est une bonne nouvelle, en particulier parce que cela permet de rétablir l’universalité de l’Accord de Paris, qui est sa pierre angulaire. Cette médaille a toutefois son revers : les États-Unis ont repris le leadership des négociations, ils imposeront donc également leur vision de la lutte contre le changement climatique, c’est-à-dire une vision qui repose largement sur la technologie et l’absence de contraintes. L’approche européenne est très différente, et risque d’avoir du mal à s’imposer dans ce contexte.

En 2009, au moment de la parution de la première édition de votre livre Géopolitique du climat, tous les regards étaient tournés vers la COP15 de Copenhague. Douze ans plus tard, à l’aube de la COP26, qu’est-ce qui a changé ?

Rien n’a changé, et tout a changé. Rien n’a changé parce que les émissions de gaz à effet de serre ont continué à croître à un rythme soutenu, à l’exception de 2020 avec la pandémie de Covid-19, qui a laissé croire à l’émergence d’un « monde d’après » en entraînant une baisse de 6 % des émissions mondiales. Tout a changé, parce que l’Accord de Paris a été scellé en 2015, avec des péripéties telles que la sortie et le retour des États-Unis. Les mobilisations des jeunes ont permis au climat d’entrer de plain-pied en démocratie et fait aujourd’hui l’objet d’âpres débats politiques et électoraux. Le climat est sorti du silo environnemental dans lequel il était encore largement enfermé en 2009.

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