« Le système Amazon » : enquête implacable sur le futur selon Jeff Bezos

À celles et ceux qui pensent que tout a déjà été écrit sur Amazon, un rappel : la croissance de cette entreprise-monde est tellement hors normes que ce que vous avez pu lire ou voir à son sujet il y a seulement deux ou trois ans est déjà dépassé. Pour prendre la mesure de ce constat, parlons chiffres : « À la fin de l’année 2019, Amazon avait plus de 750 000 employés à travers le monde, et 400 000 rien qu’aux États-Unis, l’écrasante majorité d’entre eux dans ses plus de 200 centres de distribution, centres de tri et autres lieux de livraison. Rien qu’en 2017, l’entreprise s’agrandit de 130 000 travailleurs ; durant l’été 2019, elle en embaucha 97 000, soit quasiment l’équivalent de toute la main-d’œuvre de Google. Et c’était avant la frénésie d’embauches qui allait arriver avec la pandémie du printemps 2020 », écrit le journaliste Alec MacGillis.

Longtemps détentrice du titre de plus grosse entreprise américaine, Walmart comptait 400 000 salariés à son climax avant d’entamer son déclin, ceci pour prendre la mesure de l’avance d’Amazon sur toute autre entreprise en Occident (seuls les géants chinois peuvent rivaliser). Une marche en avant qui n’est pas censée s’arrêter si l’entreprise veut être fidèle à la promesse de son nom : « Après cadabra.com, awake.com, browse.com et relentless.com Bezos (le fondateur et CEO d’Amazon Jeff Bezos, ndlr) arrête son choix sur amazon.com car non seulement l’Amazone est le plus long fleuve du monde, mais il est infiniment plus imposant que le second plus long fleuve du monde. Il pulvérise tous les autres fleuves ».

Cette croissance folle se fait au détriment de territoires entiers, ravagés par la fermeture des commerces locaux, un effondrement du marché immobilier et une hausse spectaculaire des morts dues à la consommation d’opioïdes

« Il faut choisir entre le champagne pour quelques-uns et l’eau potable pour tous », disait le révolutionnaire burkinabé Thomas Sankara. Jeff Bezos, lui, a choisi… Le livre montre comment la montée en puissance d’Amazon, régulière mais raisonnable jusqu’en 2008, va exploser après la crise des subprimes. Comment le CEO de l’entreprise vise les territoires en crise (le long passage sur la ville de Baltimore, « popularisée » par la série The Wire, sont à ce titre éloquentes), en proie à la récession immobilière et aux expulsions, notamment au début de la crise des opioïdes, pour installer ses entrepôts là où les damnés des subprimes se battent pour des contrats qu’ils finissent par quitter à cause des cadences infernales, des accidents et du stress. Le taux de renouvellement des chauffeurs avoisine ainsi les 100 % par an, le nombre de candidats contrôlés positifs aux tests antidrogues explose et, fait moins connu, le métier de livreur devient l’un des plus risqués des États-Unis : statistiquement, un camionneur a huit fois plus de chance qu’un policier d’être tué dans l’exercice de ces fonctions…

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