« Si l’on ne comprend pas ce qu’il y a de séduisant dans le discours de Trump, autant laisser les clés de l’Élysée à Marine Le Pen »

« Ces jeunes ont grandi avec comme perspective l’effondrement climatique, l’hyperterrorisme international, l’affaissement des démocraties et la montée des régimes autoritaires. Quand j’avais leur âge, on me parlait de globalisation heureuse, de la démocratie libérale et des droits humains. Notre horizon politique était le choix, peu essentiel, entre Juppé et Jospin. Eux, ils ont à choisir entre l’effondrement climatique et la sauvegarde du monde, entre la régénération de la démocratie ou l’affirmation de régimes autoritaires. Ils vivent dans un univers plus grave que le nôtre, et le sérieux avec lequel ils abordent la vie m’impressionne et m’interpelle. Contrairement à nous, ils savent qu’ils n’ont plus le choix , que si rien ne change, leur avenir s’effondrera. »

Il y a néanmoins de tout dans la jeunesse. Certains se battent pour la sauvegarde du climat ou la justice sociale, d’autres tombent dans le nihilisme, ne croient plus en la démocratie…

« La principale menace qui nous guette est le nihilisme et la résignation face aux défis qui se dressent et face au sentiment que l’on n’a plus les moyens de changer les choses. Ce que j’essaye de dire aux jeunes, c’est justement de ne pas tomber dans une telle résignation : ils ont du pouvoir et ils peuvent l’exercer. »

Vraiment ?

« Oui. Quand on a lancé les campagnes contre les grandes marques qui exploitaient dans leurs chaînes de production chinoises des esclaves ouïghours, on s’est rendu compte que des jeunes de 18-20 ans pouvaient faire céder des multinationales. »

On reste cependant dans un modèle qui promeut l’expansion continue des libertés individuelles. Comment répondre aux défis écologiques si on ne tourne pas la page de cette conception de la liberté? 

« Nous devons préserver les droits individuels, tout en modifiant notre rapport à la liberté. Celle-ci n’est pas que privée, elle est aussi publique. L’intérêt collectif peut imposer des limites à ma liberté individuelle. Si l’on ne parvient pas à comprendre cela, si l’on n’envisage pas la notion de limites, on ne parviendra jamais à mener la lutte contre le dérèglement climatique. C’est un point qui doit faire évoluer le logiciel de la gauche. Il n’y a pas de société sans contraintes, mais elles doivent être justes, décidées collectivement. »

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