Les images de Jérusalem, celles de Cheikh Jarrah ou de la Vieille Ville, envahissent nos écrans depuis une dizaine de jours. Le monde semble découvrir avec effroi ce qui fait pourtant le quotidien des Palestiniens de Jérusalem depuis plusieurs décennies : expulsions, manifestations, violences policières, arrestations, démonstrations de force, incursions sur des sites religieux… Sur les réseaux sociaux, une vidéo incarne particulièrement le spectacle de cette injustice. De jeunes colons juifs, habits religieux et yeux injectés, encerclent une femme voilée. Ici, pas d’affrontements physiques, tout est dans la symbolique des images : la violence d’un système, le dépouillement d’une communauté, le bon-droit d’une autre. Le droit, justement, semble être absent. Il aurait cédé la place au règne de la force.
C’est pourtant tout le contraire qui se passe actuellement. Le droit n’est pas absent, il occupe le rôle principal dans cette séquence. Celui de supplétif, quand le rapport de force s’institutionnalise. Rien de nouveau là encore. Suite à la reconquête de Jérusalem par les troupes israéliennes en 1967, les tribunaux locaux puis la Cour suprême israélienne sont saisis de dizaines de dossiers visant à faire expulser des familles sur la base d’un conflit juridique. Le quartier de Cheikh Jarrah, à l’est de Jérusalem, entre le mont Scopius et la Vieille Ville, devient alors le symbole de cette conquête qui se poursuit sur le terrain juridique. Depuis 2008, près d’une centaine de familles palestiniennes en ont été expulsées ou sont menacées de l’être. La loi israélienne – qui reconnaît aux Juifs un droit de propriété s’ils prouvent que leur famille vivait à Jérusalem-Est avant la guerre – s’oppose à un autre droit, celui d’un accord entre le royaume hachémite et l’Unrwa qui avait permis en 1956 d’attribuer un logement à 28 familles palestiniennes réfugiées.
Le monde s’offusque – à raison – du spectacle des violences de Jérusalem. Tout en passant parfois à côté de la principale leçon à en tirer : hier comme aujourd’hui, le droit est utilisé par Israël comme un instrument, juridique ou administratif, au service de sa domination politique et militaire.
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