La flambée épidémique récente en Inde a affolé les médias européens et étatsuniens. Elle a mobilisé la « Communauté internationale », c’est-à-dire, les États-Unis et leurs « amis » européens, rejoints par la Russie, par solidarité éthique avec New Delhi, violemment débordée par le Covid-19, mais solidarité bien comprise pour empêcher la diffusion universelle d’un variant local, susceptible de détourner les défenses vaccinales, le B1617. L’Inde a franchi ces jours derniers la ligne symbolique des 200 000 victimes, et la contamination s’accélère.
Au Brésil, en silence médiatique, le cap des 400 000 morts a été atteint le 29 avril.[1] Les experts augurent des lendemains préoccupants. Un variant brésilien, P1, qui sans doute en annonce d’autres, continue à infecter et tuer. Les voisins du Brésil, l’Argentine, le Chili, l’Uruguay, sont depuis quelques semaines victimes du P1 brésilien, passe-frontière incontrôlable. La « Communauté internationale » reste pour l’instant indifférente. Les Brésiliens, à défaut de solidarité, sont interdits de voyage en Europe et aux États-Unis.
La dramatisation de la situation sanitaire de l’Inde, l’absence d’empathie avec les Brésiliens et leurs voisins interpelle. Comment comprendre ce double discours de la « Communauté internationale » ? Pourquoi l’Inde a-t-elle bénéficié d’une attention immédiate des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France ? L’Inde a en effet reçu des respirateurs, des ventilateurs et des appareils permettant la génération d’oxygène, du Royaume-Uni et de la France. Les États-Unis ont autorisé l’envoi de composants vaccinaux et de respirateurs. L’Allemagne, le Canada, la Russie ont indiqué qu’ils allaient se joindre à cet effort collectif. Le Brésil, tout aussi touché et dangereux – il est émetteur de variants transfrontaliers -, n’a mobilisé et ne mobilise positivement aucun gouvernement. Au mieux ou au pire, la presse écrite et télévisuelle alimente occasionnellement une compassion lointaine, au vu d’images rudes et dramatisées.
Brésil et Inde sont des pays émergents, tous deux membres du G-20 et des BRICS (Brésil/Russie/Chine/Afrique du Sud). L’un et l’autre ont été, et sont susceptibles d’être sollicités et courtisés, en raison de leur poids économique, militaire, culturel, sportif et diplomatique régional, par les puissances majeures. L’intérêt « occidental » à leur égard, comme celui de Moscou, est/a été, une donnée permanente. À ce titre, leur situation sanitaire aujourd’hui gravement compromise aurait dû susciter une réaction de solidarité géopolitique identique ainsi qu’une assistance à pays en danger, garantie d’un endiguement de virus. Qu’il soit brésilien ou indien, le Covid-19 ignore les frontières, et constitue une menace internationale potentiellement périlleuse. Pour tenter de répondre à ce paradoxe, à priori peu compréhensible, deux pistes peuvent être suggérées.
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